Rencontre avec Latifa Ibn Ziaten

Le collège a eu l’honneur de recevoir la visite de Latifa Ibn Ziaten, qui est venu rencontrer tous nos élèves de 4e , ce lundi 09 mars 2015 au centre Proximus du Lièvre d’Or.

Latifa Ibn Ziaten est la mère de Imad Ibn Ziaten, ce militaire français qui a été la première victime de Mohammed Merah en 2012. Depuis ce drame, Mme Ibn Ziaten a fondé une association (l’association Imad pour la Jeunesse et la Paix) et va à la rencontre des jeunes pour leur faire entendre son message de paix, de tolérance et de respect. Elle va rencontrer les jeunes où ils se trouvent, aussi bien dans les collèges et les lycées que dans les quartiers, les lieux de culte et même les prisons.

La rencontre a commencé par une minute de silence pour toutes les victimes du terrorisme. Cette minute a été respectée par tous les élèves avec beaucoup de sérieux.  Mme Ibn Ziaten a ensuite présenté son association et son parcours, puis les élèves ont pu échanger avec elle.

Plusieurs classes avaient préparé des questions à Mme Ibn Ziaten, qu’ils ont pu lui poser lors de son intervention. Ils l’ont interrogé sur le drame qui l’a touchée, sur la vocation de son fils, sur ce qui l’a poussée à se dévouer ainsi à son association, sur sa conception de la société, des religions, et de l’avenir des jeunes. Toutes les questions étaient acceptées avec bienveillance.

Latifa Ibn Ziaten a parlé de l’importance de l’amour et du respect dans la vie d’un jeune. Elle a dit combien l’amour et le cadre donnés par les parents était primordial pour aider les jeunes à grandir et à devenir des adultes responsables. Elle a parlé sans aucune haine mais avec pitié de ces jeunes perdus, délaissés, qui se tournent vers le terrorisme car ils sont vides à l’intérieur et se font piéger par ceux qui les attirent vers une vision déformée de la religion. Elle a raconté comment elle était allée à la rencontre des jeunes du quartier de Mohammed Merah très peu de temps après le drame, et qu’en voyant leur détresse et leurs erreurs elle avait pris la décision de monter son association.

Elle a aussi parlé de la tolérance, du respect des différences et de l’acceptation de l’autre. A un élève qui demandait « Pensez-vous qu’un Musulman qui tue un autre Musulman, c’est comme s’il tuait son frère ? » elle a répondu que oui, bien sûr, mais qu’à ses yeux tout homme qui tue une autre personne, qu’elle que soit sa religion, tue son frère. Elle a dit qu’il est important d’apprendre à connaître l’autre pour pouvoir s’apprécier et s’entendre. Elle a raconté qu’elle voit souvent d’autres parents de victimes des attentats, qu’ils soient Musulmans, Juifs ou Chrétiens, et qu’une mère qui a perdu son enfant peut comprendre la douleur d’un père qui a perdu son enfant sans s’occuper de sa religion.

Des questions ont porté sur les attentats de Charlie Hebdo. Latifa Ibn Ziaten a répondu que ce nouveau drame avait été un deuxième coup qui l’avait profondément blessée, mais que lorsqu’elle avait vu tous ces gens défiler ensemble dans le respect des victimes, Mme Ibn Ziaten avec M. Baladi la défense de la liberté d’expression et le refus des amalgames, elle avait pleuré de joie. Concernant les caricatures, elle a dit que personne ne connaissait le visage du prophète, qu’un dessin n’avait donc aucun pouvoir pour blesser sa religion, et que prendre des vies humaines était bien plus grave que tous les dessins possibles. Elle a dit que bien que personnellement elle n’apprécie pas ce journal, elle pouvait dire « Je suis Charlie » pour défendre le droit d’expression et la liberté en France. Elle a ajouté que dans certains pays on n’a pas le droit de s’exprimer et qu’il faut protéger la liberté précieuse que nous avons la chance d’avoir en France.

Le discours de Mme Ibn Ziaten a beaucoup porté sur la République. « Je suis Française, Musulmane, d’origine Marocaine, et je suis fière des trois » dit-elle. « Une culture d’origine différente est une très grande richesse, qu’il faut garder précieusement. Mais la culture du pays qui vous accueille et où vous construisez votre vie est aussi la vôtre et vous devez la respecter et l’adopter elle aussi. » « Vous êtes des enfants de la République française, avec vos origines variées, et vous y avez tous votre place et votre chance de réussir, à vous de faire les efforts nécessaires pour la saisir. »

Mme Ibn Ziaten a aussi parlé de scolarité et d’ambition. Elle trouve que, même si des difficultés sont présentes, aucun jeune ne doit baisser les bras et cesser de faire des efforts. « Personne ne vous donnera une chance si vous ne la saisissez pas vous-même », a-t-elle dit. « C’est à vous de poursuivre sans cesse vos efforts, en visant toujours plus haut, sans vous contenter de peu ». On peut être pauvre ou en difficulté, et rester fier car ce n’est pas une honte, en gardant la tête haute et en cherchant à réussir. « Travaillez, respectez vos professeurs, faites la fierté de vos parents », a-t-elle dit aux élèves de 4e. « Vous construisez votre avenir ! »

De nombreux élèves sont venus saluer Mme Ibn Ziaten en partant, échanger quelques mots ou prendre des photos. Elle a laissé des cartes de son association avec la promesse de répondre à tout jeune qui a une question ou une difficulté à confier. Le collège a acheté 10 exemplaires du livre dans lequel Mme Ibn Ziaten parle de son drame et de son combat pour que les élèves qui le souhaitent puissent l’emprunter au CDI.

Nous gardons un très bon souvenir de cette rencontre, et nous avons tous (les adultes comme les élèves) été impressionnés par la grande dignité de Mme Ibn Ziaten et par la force de son message. Elle nous a promis de revenir si nous avions besoin d’elle, bien que son planning soit très rempli par des interventions et des passages dans les média.

Pour finir, voici une dernière citation de Mme Ibn Ziaten : « Moi je n’ai pas eu la chance d’étudier quand j’étais jeune, j’ai perdu ma mère à 9 ans et je n’ai pas pu aller à l’école. Mais j’avais la soif d’apprendre et de travailler. Vous, vous avez beaucoup de chance d’avoir la scolarité jusqu’à 16 ans avec de bonnes conditions. Alors profitez-en, saisissez votre chance ! Vos professeurs vous ouvrent la route, à vous de travailler pour réussir. Vous pouvez aller plus loin que vous le croyez. Si vous cherchez au fond de vous, vous y arriverez. »